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Soô de Habib Koité, une pépite musicale venue du Mali

Contre Jour / Socadic

Soô est son 6ème album rendant hommage à la culture malienne d’hier et d’aujourd’hui.

Le chanteur guitariste revient aujourd’hui pour nous faire découvrir de nouveaux trésors musicaux de son pays. Interview au détour d’une tournée déjà bien entamée.

Dans Soô, votre deuxième album, vous composez et enregistrez à Bamako. Vous jouez également avec de jeunes et nouveaux musiciens. Pouvez-vous expliquer ces choix ?

Habib Koité : J’ai fait l’album à Bamako parce que le cd ne se vend pas bien aujourd’hui. Il fallait faire une plus petite production. Tout le monde devait venir de Bamako. C’était aussi un moment particulier où tous les musiciens étaient sur place. C’était aussi la période de crise au Mali. C’était particulier. Habituellement, je fais mes albums en Europe.

Le choix des musiciens était un choix délibéré de changer de son, de musiciens et de donner un nouveau souffle à ma musique. C’est pour ça que j’ai changé de nom, que j’ai créé un deuxième groupe.

Dans cet album, vous chantez en différentes langues et mêlez les traditions musicales du Mali. Multi-culturel, votre album est-il une peinture du Mali actuel ?

Habib Koité : Ma démarche musicale a toujours été de présenter la musique du terroir malien dans toute sa diversité. C’est cela qui m’a toujours fait voyager à travers le pays. Le désir d’apprendre les différentes langues du Mali, également. Ce n’est pas nouveau. C’est une démarche que j’ai entreprise il y a longtemps et que je continue d’entreprendre. Ce qui est nouveau, c’est que je chante en dogon mais également en anglais et en espagnol.

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Je suis originaire de la région de Kayes et j’ai fait dans cet album un clin d’œil à la musique Khassonké (ndlr : l’une des ethnies de la région de Kayes). Il y a trois, quatre morceaux de mon album qui parlent de cette musique-là. Je l’ai toujours fait et ça n’a pas de rapport avec la crise qui a eu lieu dans mon pays.

Vous inventez un style musical, le « danssa doso ». Pouvez-vous en parler ?

Habib Koité : Au début, quand je me suis dirigé vers les musiques du terroir malien, j’ai nommé ma musique « Danssa doso » parce que quand je jouais cette musique, je m'inscrivais dans la diversité culturelle de mon pays. 

« Danssa », c’est le nom d’une musique populaire de chez moi. Et « Doso », cela signifie le chasseur. Et, la confrérie des chasseurs existe partout au Mali sous différentes formes. Leur musique est mystique. Elle parle de bravoure. Et de la relation entre l’homme, les animaux et la forêt. Il y a cependant quelques différences selon les régions. Les chasseurs se rencontrent pour faire la fête et faire l’éloge de la nature ou des animaux. J’aime beaucoup cette musique. Le dosso n’goni et le simbi sont des instruments joués par les chasseurs. Et moi, j’essaye toujours de jouer d’autres instruments.

Vous jouez de la guitare d’une façon originale et très personnelle, comme d’un Kamalé n’goni (ndlr : instrument à cordes traditionnel malien). Pouvez-vous nous en parler ?

Habib Koité : Le kamalé n’goni est la même chose que le dosso n’goni. Le kamalé a plus de sons graves. Je joue de ma guitare comme ça. Et, je m’y suis toujours intéressé. J’ai été à l’école et j’ai appris à jouer de la guitare classique. Ça m’a demandé des recherches. J’ai dû changer les tirants (ndlr : le tirant est le diamètre des cordes influant sur leur rigidité et la facilité à les jouer). Normalement les cordes sont disposées de façon standard. J’ai changé ces standards.

Pouvez-vous dire un mot pour qualifier les artistes avec lesquelles vous avez collaboré et que je vais vous citer ? Eric Bib …

Habib Koité : Un bluesman avec une voix de velours et des sons de guitare propres à lui seul. Ma collaboration avec lui a été une des meilleurs rencontres entre deux musiciens d’origines culturelles différentes.

Zap Mama …

Habib Koité : C’est un groupe que j’admirais beaucoup avant de venir en Europe. Et mes producteurs belges m’ont permis de les rencontrer. On est souvent monté ensemble sur la même scène. J’ai fait, il y a longtemps, une jam session avec eux.

Toumani Diabaté

Habib Koité : L’un des meilleurs joueurs de kora dans le monde. Il est comme mon frère. On a déjà collaboré. On a joué dans les années 1990 dans le Folk Festival Dramouter. On a souvent collaboré. Je l’ai invité sur cet album sur le morceau où je rends hommage à l’empire mandingue.

Bassekou Kouyaté

Habib Koité : C’est presque la même situation. Il a beaucoup collaboré avec Toumani Diabaté. Bassékou et Toumani ont depuis longtemps joué ensemble. On se rencontre sur des projets. On s’invite souvent pour faire des rencontres. C’est comme un frère. On a tout fait ensemble avec lui. Et je l’ai appelé aussi pour jouer dans mon dernier album sur le morceau où je rends hommage aux cordes traditionnelles – le n’goni et la kora. Bassékou est l’un des meilleurs joueurs de n’goni.

Tartit …

Habib Koité : C’est un groupe tamasheq, touareg avec quelques femmes et quelques hommes. Le chef de groupe s’appelle Disco. Il a grandit à Bamako. On a fait des projets pour présenter cet album de compilations qui s’appelle « Désert blues » produit par une maison allemande. Ils ont contacté ma maison d’édition pour que l’on joue ensemble sur scène. Tartit représentait le grand Nord. Ils jouent du tindé et de la tazengharet (ndlr : instrument traditionnel touareg). On était vingt-quatre sur la route. On a fait un spectacle dont j’étais le directeur musical.

Afel Bokoum …

Habib Koité : Avec lui on a fait « Acoustic Africa ». C’est une sélection d’artistes qui part de musiques acoustiques. J’ai déjà fait plusieurs éditions d’« Acoustic Africa » dont une avec Afel Bokoum et Oliver Mtukudzi. On était tous dans la même boite de production. On a passé des mois ensemble aux USA. On était très proche et jusqu’à présent on est toujours ensemble.

ZOOM

Les conseils littéraires, musicaux, cinématographiques et culinaires de Habib Koité à nos lecteurs

Quel serait l’écrivain africain que vous conseilleriez à nos lecteurs ?

Habib Koité : Ousmane Sembene et son livre Les bouts de bois de Dieu.

Quel serait le réalisateur africain que vous conseilleriez ?

Habib Koité : Souleymane Cissé et son film Finye.

Quel est votre plat africain préféré ? Où le mangez-vous à Bamako ?

Habib Koité : Mon plat préféré est le To. Je ne le mange que chez moi, pas ailleurs.

Quel serait le musicien africain que vous conseilleriez ?

Habib Koité : Je conseillerais deux artistes maliens, Master Soumy (rappeur) et M’Bouyé Koité (guitare et voix).

 

Eva Dréano