Concerts / la-réunion

Moriarty et Christine Salem, la folk salue la transe réunionnaise

Sur scène, deux femmes, sept musiciens et autant d’instruments pour satisfaire cette bande de joyeux virtuoses, sacrément géniaux et hors-normes.

Il y a quelques années, ils se rencontrent au festival Sakifo. Depuis, leurs parcours se croisent régulièrement. Sur scène ou sur enregistrement, la symbiose opère à merveille.

Les deux femmes sont dotées du même charisme irradiant. Elles sont pourtant différentes.

L’une, Rosemary Standley, la chanteuse à la voix ensorceleuse du groupe Moriarty, n’est plus à présenter. Elle est une artiste à l’identité multiple et énigmatique. N’aime pas les formatages. Semble discrète et timide mais se révèle le plus souvent sur scène d’une éblouissante expressivité. Elle est de ces artistes capables de vous tirer des larmes, en entonnant un simple cow-boy song de son cru. Sa voix est tantôt fragile et enfantine, tantôt nasillarde et puissante. Ses textes, « des histoires d’amour et d’abandon, de séduction et d’addiction, de meurtres passionnels, de vengeances et de fuites en avant ».

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L’autre, Christine Salem, gagne à être présentée. Elle est aujourd’hui l’une des dignes représentantes du Maloya réunionnais. A l’image de ce style musical interdit jusque dans les années 1980 sur l’île, Christine Salem est furieusement militante et empreinte d’une inexplicable aura. Sa voix, telle un protest song, est grave, brute et sans concession. Ses textes sont révoltés, faits d’onomatopées, de créole, d’arabe, de malgache et de swahili.

La puissance sacrée, d’un côté et l’onirisme, de l’autre. La force rythmique de Christine Salem et les envoutantes harmoniques de Moriarty. Ces deux groupes étaient probablement faits pour se rencontrer. Et c’est ainsi qu’en 2008, les Moriarty se retrouvent sur l’Ile de la Réunion à l’occasion du festival Sakifo. S’ensuit une session de travail, d’écriture et d’enregistrement donnant naissance à deux morceaux sur le dernier album de Christine Salem ainsi qu’à de beaux moments live.

Sur la scène du Cabaret Sauvage, la basse, la guitare, la contrebasse et la batterie nous offrent ce son rock et folk qui nous berce et nous enrobe.

La guimbarde et l’harmonica évoquent différentes contrées musicales ; la musique country dont sont issues les cow-boy songs, la folk et le blues. Egalement, on retrouve le cajun (musique créole née au XIXème siècle et venant du sud des Etats-Unis, de Louisiane).

Le kayamb, le sati (percussions métalliques), les bongos, le djembé, les doum-doum nous plongent dans l’univers du maloya. Cette musique se compose de rythmes ternaires. Le rock, la pop et la musique occidentale, le plus souvent de rythmes binaires.

Ce soir, les voix et les instruments se saluent et s’apprivoisent. Ils s’apportent les uns les autres, rondeur ou rythme, douceur ou force. Ce concert est un de ces rares moments musicaux, explosifs et généreux à la fois.

Sakifo 2012 - MORIARTY et Christine SALEM

ZOOM

Thula Sizwe, lorsque les voix s’unissent

Le concert débute et finit sur ce morceau présent sur l’album Salem Tradition : Thula Sizwe.

En 1991, Miriam Makeba et Nina Simone s’unissaient pour chanter cet hymne célébrant la libération de Nelson Mandela. Pour clôturer le concert du 16 juillet, Portia Manyike se joint aux voix de Christine Salem, de Rosemary, de David Abrousse et d’Harry Périgone. La polyphonie est bluffante.

Lespwar, morceau également sur l’album Salem Tradition, est émouvant de simplicité. Probablement le meilleur syncrétisme musical de cet album. Rosemary Standley y apparait plus fragile que jamais. Le morceau vous fige et vous transcende.

Eva Dréano