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Panda Farnana, un Congolais qui dérange de Françoise Levie

Pionnier congolais oublié de l'Histoire.

Quelques temps après son arrivée dans la métropole française, Léopold Sédar Senghor, bouleversé dans son identité, se demandait tout à coup : qui suis-je ?

Pour le jeune Panda Farnana, né en 1888 dans un Congo colonisé, le déchirement identitaire fut encore plus brutal, et engloutit toute sa personne en condamnant sa postérité à se demander : mais qui est donc ce Panda Farnana ?

Ce film documentaire releva le défi de faire sortir de l'oubli ce personnage littéralement extra-ordinaire : premier Congolais Belge diplômé d'agronomie, retourné au pays avec l'espoir de mener une carrière digne de son savoir, frappé de plein fouet par le racisme colonial et convaincu forcené que seule l'éducation pouvait mener à la libération. Peu importe que ce fut une éducation coloniale. Pour Panda Farnana, les colons n'allaient tout simplement pas au bout de leurs promesses civilisatrices; lui croyait encore dans les vertus de la mission civilisatrice si seulement elle était véritablement dispensée à tous.

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Elevé par une femme belge célibataire et artiste, Paul Panda Farnana est le premier Congolais à avoir obtenu un diplôme de l’enseignement supérieur en Belgique en 1909.


Mais Panda fut rattrapé par les ambiguïtés de son propre parcours, d'une éducation qu'il avait acquise au prix d'un exil, qui le rapprocha d'une bourgeoisie métropolitaine éduquée et le coupa de ses pairs prisonniers de la dure réalité coloniale; qui lui donnait le droit d'appartenir à une élite coloniale qui ne voulait pas d'un Noir éduqué.

Panda Farnana fut un individu hors-norme, et presque hors-monde. Il fit la guerre de 14-18, se rapprocha des tirailleurs sénégalais, participa au premier congrès mondial panafricain à Paris... Il se voulait le défenseur d'une éducation pour les Noirs et fonda pour se faire une Union Congolaise qui survécut difficilement.

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Agronome, il retourne au Congo en tant que premier fonctionnaire belge à la peau noire.


Les colons belges ne virent en lui qu'un indigène bâtardisė semant trouble et danger. Ses compatriotes ne comprirent pas son discours d'avant-garde : il restait au mieux un intendant lettré, au pire un étranger.

Pris dans cet étau, Panda défendit son existence et ses opinions à la pointe de sa plume, laissant derrière lui une immense correspondance pleine d'ironie, d'amertume, de tendresse et d'espoir.

Mais Panda dérangeait. Après sa mort en 1930, les Belges interdirent à tout autre colonisė de venir étudier en Belgique... Un acte fort qui témoigne de l'intensité historique de ce pionnier, mais qui l'enterra en même temps dans un profond oubli.

Panda Farnana, un Congolais qui dérange


ZOOM

L'étrange disparition de Panda Farnana

Rentré au Congo en 1929 avec la ferme détermination d'offrir de vraies opportunités d'éducation à son peuple, Panda disparut à peine un an plus tard, dans des conditions troubles.

Certains de ses proches pensent encore qu'il fut empoisonné par sa propre famille, pour une histoire d'argent. C'est là la version du film.

Par manque de sources et de preuves cependant, la réalisatrice Françoise Levie et la scénariste Ellen Meiresonne ont dû occulter une autre piste : celle de l'assassinat de Panda par des colons belges dans un marécage proche de sa demeure...

Deux thèses qui ne font que rajouter un peu de mystère à ce personnage méconnu.

Anaïs Angelo