Photos / afrique

POPCAP'14 récompense les talents de la photographie contemporaine africaine

Le cru 2014 à découvrir sur le web... et un peu partout dans le monde.

Cinq gagnants cette année, et un panel encore plus divers, mêlant reportage, fiction, rencontres ethnographiques...

Joanna Choumali (Côte d'Ivoire) - Hââbré, La dernière génération, 2013

De dos, la ligne des épaules, la peau lisse. De face, scarifications. Mais on ne peut voir que l'un ou l'autre côté à la fois. Une dualité que Joana Choumali a choisi de montrer.

Elle explique qu'au Burkina Faso, où elle a entrepris ses recherches, la pratique des scarifications est en voie de disparition. Seules quelques ancien(ne)s portent encore les marques de ce passé. Voilà justement où veut nous mener la photographe : à nous interroger sur les lignes qui tissent passé et présent, celles qui marquaient autrefois une certaine identité africaine, et qui aujourd'hui disparaissent sous pressions religieuses et sociales, et font parfois de leurs porteurs des exclus.

On assiste à la fin d'une ère portée sur les visages, des visages tantôt tournés vers le passé, et alors invisibles, ou tournés vers le futur, la tête haute... et le passé mis en lumière.

Chouali-POPCAP

www.joanachoumali.com



Ilan Godfrey (Afrique du Sud) - Le legs de la mine, 2011-2013

Grandeur et décadence de la mine. Grandeur d'un pays (l'Afrique du Sud), grandeur d'un marché (celui de l'exportation de pierres précieuses), grandeur d'une exploitation (de l'homme par l'homme) et décadence de l'envers du décors. 

A travers une série de portraits accompagnés par une petite notice explicative, Ilan Godfrey confronte l'écart des vies qu'ont creusé les inégalités du marché minier. Il y a les exploitants, silhouettes en voiture, et les exploités, abandonnés sur des terres rendues non seulement incultivables mais surtout toxiques (on apprend que certains dégâts équivaudraient à un Tchernobyl ou Fukushima...), abandonnés.

Tout cela au cœur des « Diamanthoogte » (Montagnes Diamants) où une vie ségréguée continue de se développer malgré elle.

Godfrey-POPCAP

www.ilangodfrey.com



Léonard Pongo (Belgique) - L'étrange, 2013

L'étrange, ce sont des boxeurs, des lutteurs, un enfant sur un sofa sale, un rire flou, fou, une lumière aveuglante. Le tout en noir et blanc, des personnages oniriques rongés par le contraste, froissés par le mouvement, pris au piège d'un clair-obscur.

Les scènes se passent au Congo Kinshasa, dans les provinces du Bas-Congo, Bandundu, Kasaï et Katanga. En suivant familles, hommes politiques, ou personnalités religieuses le photographe Léonard Pongo a voulu donner à voir une société congolaise inconnue, surprenante même quand on la voit de l'intérieur.

Ce qui préoccupait le photographe, c'était la réalité à l'état pur, instantanée, sans mise en scène et sans arrière pensée.

Pongo-POPCAP



Anoek Steketee & Eefje Blankevoort (Pays Bas) « Love Radio, 2014 »

On connaissait la radio des mille collines, et son terrible rôle dans le génocide rwandais. Certains l'ont appelé « Hate Radio ». La photographe Anoek Steketee et le réalisateur-journaliste Eefje Blankevoort ont tourné leurs objectifs sur la radio de l'amour.

Aujourd'hui, la réconciliation est à l'honneur sur les ondes de la jeune radio-opérette Musekeweya (« Aube-nouvelle »), sur la même fréquence où l'on incitait, vingt ans plus tôt, à tuer. 

Le scénario : l'affrontement entre deux villages imaginaires, et une histoire qui pourrait bien être celle de Roméo et Juliette si l'on oubliait qu'on cherche là à apprendre à vivre sans, mais surtout après la violence. Une opération qui reste délicate pour les 80 % des Rwandais à l'écoute passionnée du programme. 

Les photos sont sobres. On y discerne à peine le petit monde imaginaire qui pointe derrière les micros. Les personnages sont éclairés comme sur les planches d'un théâtre ; comme si l'aube était en train de se lever. 


ANOEK POPCAP

www.loveradio-rwanda.org



Patrick Willocq (France / RD Congo) - Je suis Walé respecte moi, 2013

La femme et les rites passés sont à l'honneur chez Patrick Willocq, qui utilise la photographie comme un matériau de reconstruction, pour garder, mais surtout ne pas perdre la mémoire.

« Walé » est le nom que les Pygmées donnent aux jeunes mères tout au long de leur rituel d'initiation. Car chaque jeune mère doit retourner dans sa famille pour y rester recluse pendant 2 voire 5 années, où elle sera le centre d'une attention toute particulière, et même élevée au rang de patriarche... A sa sortie, elle chantera ces années au cours d'une grande cérémonie, rappellera sa solitude, se glorifiera non sans humour, et taquinera ses Walé rivales.  

Beaucoup de rites passés disparaissent ; celui du Walé persiste encore. Mais Patrick Willocq craint que cela ne dure bien longtemps. De sa création et collaboration avec les Ekondas (tribu pygmée), il nous fait entrer dans un monde qu'on croirait hors du temps, un brin féérique et certainement unique... donnant corps aux Walés, à leurs rites, à leurs rêves.


WILLOCQ-POPCAP

www.patrickwillocq.com

ZOOM

Le prix POPCAP

26 juges internationaux, et des centaines de contributions. Depuis deux ans, POPCAP récompense la photographie africaine à l'international, soit cinq portfolios produits dans un pays africain ou au cœur de la diaspora africaine. Un évènement créé par piclet.org, portail en ligne qui croise les photographies contemporaines à travers le monde.

POPCAP a dans sa ligne de mire l'image de l'Afrique : une image nouvelle, loin des clichés médiatiques, et surtout, une image exigeante, promouvant des talents qui «  [rehaussent] le profil de la photographie africaine ».

L'année 2015 est ouverte !

 

Anaïs Angelo