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Noirlac, la nouvelle création de David Neerman et Lansiné Kouyaté

Pour continuer leur duo de choc et parce que les missions impossibles ne leur font pas peur, David Neerman (vibraphone) et Lansiné Kouyaté (balafon, marimba) unissent de nouveau leurs instruments dans un projet original intitulé Noirlac.

A la croisée de différents univers musicaux, emplie de poésie, la création Noirlac est le fruit d’une association avec le chœur Sequenza 9.3 (classique contemporain) et Krystle Warren, native de Kansas City (soul musique et gospel).

Nous avons interviewé David Neerman. Il nous en dit plus sur sa vision de la musique et ce qu’il appelle « ses missions impossibles ».

A l’origine de cette musique douce, une « rencontre toute naturelle » dont vous pourrez écouter les enchanteresses mélopées les 17, 18 et 21 novembre dans le cadre du festival Africolor.

A l’origine de Noirlac, plusieurs univers musicaux et un projet de résidence à l’Abbaye de Noirlac en 2012. Des univers peut-être distincts mais qui finalement ont tout à voir ensemble ?

David Neerman : Oui ça peut paraître tiré par les cheveux mais on était en résidence avec Lansiné Kouyaté. On avait les clés de cette abbaye cistercienne. On était juste tous les deux. C’était super. C’est là que l’idée du chœur est venue. Avec l’effet de l’écho de ce lieu, c’est un peu comme si le chœur était déjà là avec nous. Il semblait entrer en résonnance avec les instruments.

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Le chœur Sequenza 9.3 (classique contemporain) accompagne David Neerman et Lansiné Kouyaté dans la création Noirlac conçue tout spécialement pour le festival Africolor.


Vous dites avoir trouvé l’inspiration en vous remémorant le poème de Dylan Thomas. Quel est ce poème ? Pourquoi vous a-t-il inspiré ?

David Neerman : Oui, j’ai mis en musique ce poème. C’est lui qui a fait le liant. Ce n’était pas facile à mettre en œuvre le chœur, le vibraphone et le balafon. On s’est retrouvé à devoir écrire dans le cadre du festival à l’Abbaye et ce poème parle de l’acte de créer.

Dylan Thomas était un grand poète gallois. Il avait un succès populaire incroyable. Il déclamait lui même ses poèmes à la radio. Ce poème là dit que, dans son métier de poète, il travaille tout seul à la lumière de la bougie, pour symboliser l’acte gratuit.

Il parle des amants dans les bras l’un de l’autre, ces amants qui n’en ont rien à faire de ce que le poète crée. Je trouvais cela beau. J’aimais l’idée de finalement ne pas attendre de retour mais de faire la chose pour elle-même.

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Vous étudiez la percussion et le piano. Le vibraphone arrive ensuite. Vos projets sont très divers (jazz, world, electro, noise, aux côtés de Youn Sun Nah, Anthony Joseph, Alice Lewis, Krystle Warren...). Vous êtes fervent d’aventure, de rencontre mais aussi de …

David Neerman : Je suis fervent de missions impossibles ! (rires) Je lis beaucoup. Il y a beaucoup de choses qui m’intéressent. Je joue du piano mais j’ai un projet artistique plutôt rock. J’aime faire des choses différentes. Après, ça ne rend pas forcément les choses faciles.

J’ai toujours écouté des styles de musiques différents. Quand on écoute la musique mandingue, il y a plein de lien avec la musique baroque. On utilise beaucoup d’ostinato, ligne de basse qui tourne en boucle. J’aime bien rencontrer des gens qui viennent d’univers différents et qui ont quelque chose à dire.

Vous avez une relation particulière avec l’Afrique, sa culture, sa musique. Comment résonne en vous l’édito de cette 27e édition du festival Africolor ?(Ndlr : « (…) Africolor ne cesse de tendre ce fil rouge et ténu qui relie les époques, les continents, les hommes et les musiques à travers les déportations, les déplacements, les migrations. Là où d’aucuns voulaient séparer le savant et le populaire, le Nord et le Sud, le blanc et le noir, les Coltrane, Reich, Villa-Lobos, n’avaient pas attendu pour retrouver les racines africaines de leurs identités musicales (…) »

David Neerman : C’est marrant parce que pendant très longtemps dans les interviews, la question était « comment vous êtes-vous rencontrés avec Lansiné ? » On dit que Montreuil est la deuxième ville du Mali, par sa population. Il y a un bon nombre de musiciens africains doués à Paris. Ça m’a paru logique d’aller à la rencontre d’autres musiciens. On vit ensemble.

C’est naturel même si effectivement, il y a un aspect communautaire qui fait qu’il y a des barrières pas toujours faciles à franchir. Mais la musique facilite cela !


Here de Lansiné Kouyaté et David Neerman

 

ZOOM

Le portrait chinois de David Neerman

Si vous étiez un(e) auteur(e) africain(e). Qui seriez-vous ?

David Neerman : Je sèche un peu là. Je ne lis pas trop la littérature africaine. Je lis plutôt beaucoup d’auteurs anglo-saxons. Ah si je peux parler d’un livre qui se passe en Afrique, c’est celui de Paul Bowles. Il vivait à Tanger. Ce livre a inspiré le film de Bertolucci, Un thé au Sahara. L’histoire se finit au Niger. C’est l’histoire d’une femme qui se fait enlever par les Touaregs. (Ndlr : The Sheltering Sky - adapté pour le cinéma en 1990 par Bernardo Bertolucci)

Si vous étiez un(e) réalisateur(trice) africain(e). Qui seriez-vous ?

David Neerman : Je voulais voir Timbuktu d’Abderrahmane Sissako. Je ne l’ai toujours pas vu.

Si vous étiez un(e) musicien(ne), un(e) chanteur/teuse africain(e). Qui seriez-vous ?

David Neerman : Nahawa Doumbia, une chanteuse malienne. Staff Benda Bilili. J’ai également joué avec Seun Kuti que j’aime beaucoup. J’aime beaucoup la musique mandingue. J’aime aussi beaucoup Oum Kalthoum.

Si vous étiez un album de musique. Lequel seriez-vous ?

David Neerman : Shakara de Fela Kuti.

Si vous étiez un plat africain. Lequel seriez-vous ?

David Neerman : J’ai un faible pour le poulet yassa.

Si vous étiez une ville africaine. Laquelle seriez-vous ?

David Neerman : Abidjan parce que j’y ai fait des rencontres incroyables. Il y a dans cette ville une démesure qui m’a fasciné par son modernisme, sa taille, ses contrastes.

Propos recueillis par Eva Dréano