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L'Oeil du Cyclone, le drame des enfants-soldats en Afrique

Le premier long métrage de Sékou Traoré pointe du doigt une réalité terrible accablant nombre de pays africains en crise.

150 000, c'est le nombre d'enfants-soldats devenus adultes sans avoir suivi de programme de déconditionnement.

Les chiffres sont accablants. Et pourtant, encore aucun gouvernement n'a mis en place à ce jour de tel programme en Afrique.

Face à ce constat, Sékou Traoré présente L'Oeil du Cyclone, un drame mettant en scène le procès d'un ex enfant-soldat coupable de crimes de guerre.

Les deux personnages principaux, le rebelle et son avocate, nous laissent entrevoir certains versants du continent que l'on préfère ignorer : la corruption jusque dans les plus hautes sphères et des individus brisés par des guerres fratricides.

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Au Burkina Faso, il fait 14 000 entrées !

En 2004 à Ouagadougou au Burkina Faso, Sékou Traoré assiste à la pièce de théâtre du même nom. Il est marqué par sa portée universelle, la justesse de son propos et les dénonciations sans compromission qu'elle porte.

Quelques années plus tard, l'auteur de la pièce, Luis Marquès et l'homme de cinéma, entre temps devenus amis, décident de porter le film à l'écran. Les deux acteurs principaux de la pièce, Maïmouna N’Diaye et Fargass Assandé, restent inchangés. Ils interprètent respectivement Emma Tou et Blackshouam.

L'Oeil du Cyclone reçoit alors une trentaine de prix : Prix du meilleur scénario, du meilleur acteur et de la meilleure actrice au FESPACO, l'un des plus grands festivals de cinéma africain qui se déroule au Burkina Faso, prix du meilleur long-métrage de fiction au Pan African Film Festival de Los Angeles, le prix Crise et Discours Politique au Helsinki African Film Festival, le Prix Canal + lors des Rencontres Audiovisuelles de Douala au Cameroun en 2015…

Maimouna-Ndiaye

Maïmouna N’Diaye est l’actrice principale du film L’Œil du Cyclone, rôle pour lequel elle remporte le Prix de la Meilleure Actrice au FESPACO.

La profession reconnaît ainsi sa portée politique indéniable. Présenté au Burkina Faso dans les années 2000, L’Œil du Cyclone fait environ 14 000 entrées. Un très beau succès du côté du public africain à considérer qu'une grande majorité des cinémas en Afrique de l'ouest ont été rachetés par des églises.

Il pose des questions et pointe du doigt les disparités !

Le film nous interroge sur ce que l'on peut faire pour venir en aide à ces milliers d'adultes ex enfants-soldats une fois les conflits achevés ? Et est-il réellement possible de leur venir en aide ? Des questions qui restent sans réponse.

Le film déconstruit, laisse derrière lui une terre dévastée comme après le passage dévastateur d'un cyclone. Il pose néanmoins les bonnes questions et empêche les discours convenus et compassés sur l'Afrique.

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Également, le film donne à voir les méandres du système judiciaire et carcéral en Afrique, deux mondes rarement traités d'aussi près dans le cinéma africain. Le sujet a été pourtant bien souvent abordé aux USA (Prison Break, Orange is the new black, Alcatraz...).

Filmé en quasi huis clos et en plans rapprochés (cellule, pièces du palais de justice, résidence de la famille Tou et quelques rares scènes en extérieur), le malaise, voire le mal-être des personnages est palpable.

Et, puis nous respirons à nouveau durant quelques scènes où nous découvrons un autre monde. Celui de la famille Tou, gravitant au plus près du pouvoir en place dans ce pays africain qu'on ne nomme pas. La résidence familiale est exagérément luxueuse.

On respire donc mais le malaise perdure. Les disparités sont vertigineuses. Les contrastes sont flagrants, révoltants.

Le réalisateur dit à ce propos avoir joué entre l'obscurité carcérale et la blancheur de la résidence de la famille Tou, un monde d'apparence virginal.

ZOOM

L'Oeil du Cyclone, un film inspiré d'une pièce du même nom

Dans les années 2000, la Côte d'Ivoire a vu des groupuscules de Rebelles libériens débarquer dans l'Ouest du pays.

Ils avaient une vingtaine d'années et n'avaient connu que la guerre depuis leur plus jeune âge.

L'auteur et scénariste du film, présent dans la région à cette époque, décide d'écrire une pièce sur le sujet. Elle connaîtra un vrai succès et sera joué au Burkina Faso et plus de cent fois à l'international.

Quelques années plus tard, Luis Marqués et Sékou Traoré décident de porter la pièce sur grand écran. Le film peut ainsi donner à voir « le dernier cercle du cyclone » peu visible dans la pièce.

Cette « sphère externe », peuplée d'énarques africains corrompus de mèche avec des puissances internationales complaisantes, peut enfin être nommée. Et les rouages de la machine bien huilée apparaissent ainsi plus clairement.

Eva Dréano