Films / djibouti

DHALINYARO, portrait touchant de la jeunesse djiboutienne

Premier film délicat et subtil de la réalisatrice djiboutienne Lula Ali Ismail

Premier long-métrage de Lula Ali Ismail, Dhalinyaro nous dépeint le portrait de trois jeunes filles djiboutiennes issues de milieux sociaux très différents.

A l'orée du bac, Deka, Asma et Hebo s'interrogent sur leur avenir et vivent leurs premières bluettes amoureuses, plus ou moins teintées de succès.

Délicat, subtil, ce premier long-métrage, venu d'un pays qu'on voit si peu au cinéma, convainc par sa justesse ; et émeut en disant beaucoup avec peu d'effets, voire même en silence - comme la relation entre Deka et sa mère, qui s'exprime aussi et surtout par des non-dits, ou une caresse sans mots qui dit soudain toute la tendresse du monde.


La réalisatrice de Dhalinyaro Lula Ali Ismail et ses deux co-scénaristes, Alexandra Ramniceanu et Marc Wels - qui a aussi écrit pour Alain Gomis - parlent avec tact de la condition féminine. Le film commence d'ailleurs par une scène de fausse couche dans les toilettes du lycée fréquenté par les trois protagonistes. Deka et Hebo y rencontrent Asma, la réconfortent moralement et l'aident dans sa mésaventure.

Les rôles féminins, sinon, prolifèrent : en plus des trois filles et de la mère de Deka, on peut retenir Zohra, la professeure de philosophie libérée des carcans. Chacune se révèle complexe et nuancée, témoignant d'une belle finesse d'écriture. 

Les trois jeunes actrices - Amina Mohamed Ali, Tousmo Mouhoumed Mohamed, et Bilan Samir Moubis -, trouvées à la faveur d'un "casting sauvage" effectué devant les lycées, convainquent par leur forte authenticité. On n'a pas l'impression qu'elles jouent, mais qu'elles sont, tout simplement. 

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Récit d'apprentissage féminin et féministe, Dhalinyaro s'avère en même temps une chronique de la vie djiboutienne, du quotidien - entre séances de khat, baignades, visites au zoo, promenades dans la ville ou incursions dans la vie nocturne et musicale de la capitale. 

Cette histoire d'amitié entre trois jeunes filles d'origine si différente permet de faire affleurer les tensions sociales et ethniques du pays, notamment lors de deux scènes de dispute dont une très violente - Hebo trouvant par exemple Asma méprisante et ingrate, cette dernière venant d'un milieu social bien plus aisé. 

A travers les trajectoires qui s'offrent aux trois héroïnes, le film de Lula Ali Ismail pose aussi la question de l'avenir de la jeunesse du pays, entre fantasme persistant de l'Europe et foi sincère dans le pays natal. Deka, qui hésite longtemps pour trancher, incarne justement bien ce dilemme très actuel.

ZOOM

Lula Ali Ismail, espoir du cinéma djiboutien

Jeune réalisatrice de Dhalinyaro, Lula Ali Ismail s'était d'abord orientée vers le jeu.

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Ayant vécu au Canada, elle a pu, selon ses propres termes, jouer "des rôles d'ombres furtives dans des séries télévisées québécoises". Elle a ensuite travaillé comme assistante dans un cabinet d'avocat montréalais pendant sept ans, avant de se lancer dans la réalisation. 

Son court-métrage "Laan", en 2011, parlait déjà du quotidien de trois amies à Djibouti ; et a été diffusé sur TV5 Monde, et salué par la critique et dans les festivals. 

Sept ans plus tard, Dhalinyaro a connu le même accueil chaleureux, et espérons qu'il n'est que le premier d'une longue série de films. 

Matthias Turcaud