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SOUNDJATA KEITA, LE REVEIL DU LION, joyau futé et affûté

La magie de l'animation au service de la culture mandingue

La légende d'un grand roi du XIIIème siècle, mise en images de manière originale et détonante...

"Soundjata Keïta, le réveil du lion" séduit rapidement par sa grande inventivité visuelle et la façon dont il raconte l'histoire légendaire de Soundjata, valeureux guerrier auquel on attribue l'origine de la charte du Mandé, ancêtre de la déclaration des droits de l'homme. 

Dôté d'un vrai univers à lui, nourri d'influences diverses, Kan Souffle fait exister des personnages mémorables ; en jouant sur des contrastes très saillants de voix, de taille et d'apparence physique. Il se montre très doué pour caractériser ses protagonistes à l'aide de quelques partis-pris forts. 


On se souviendra longtemps du vorace Dounkara, bon seulement à se remplir la panse, à sympathiser avec l'ennemi, ou à se moquer de son frère Soundjata ; ainsi que de la mère de ce dernier, toute voûtée et aux grands yeux tristes pleins d'amour pour son fils, qui se révèle très touchante. 

La qualité de l'animation et des dessins, l'originalité du film convainquent ainsi grandement, de même que la visée noblement didactique du projet, visant à faire un legs dont la valeur s'avère sans doute proportionnelle à la méconnaissance dont Soundjata Keïta fait injustement l'objet. 

L'histoire de Soundjata Keïta demeure en effet trop méconnue par les nouvelles générations, eu égard à son importance capitale en Afrique de l'ouest. Elle constitue simultanément l'occasion de prodiguer un certain nombre de valeurs morales précieuses et d'enseignements à retenir - comme le fait que les difformités physiques cachent souvent de grandes qualités intérieures, comme c'est le cas de plusieurs personnages ici. Le film prône de même la maîtrise des émotions - ainsi la voix de Soundjata devient-elle grotesquement aiguë lorsqu'une grosse colère s'empare de lui. 


Le choix de l'animation, les multiples émotions véhiculées le long d'un récit bien maîtrisé et varié permettent de rendre ce patrimoine accessible à un plus grand nombre, y compris les plus jeunes ; tout en se faisant ambitieux et pouvant plaire également sans soucis à un public plus âgé. 

L'intime alterne avec le politique, les destins individuels se mêlent au destin collectif. On trouve enfin aussi une scène de combat spectaculaire, des moments plus comiques - grâce également au personnage de griot, aussi maladroit qu'attachant - et même des chorégraphies dansantes restituant la marche des guerriers redoutables de Soumangourou Kanté.

Malgré ce matériau très diversifié, un bel et étonnant équilibre a été trouvé, rendant le visionnage de "Soundjata Keïta" très plaisant et agréable à différents niveaux. 

ZOOM

Afrika Toon, studio d'animation ivoirien

Fondé en 2005, Afrikatoon est un studio d'animation produisant des films en 2D et 3D.

On lui doit à ce jour trois autres long-métrages en dehors de "Soundjata Keïta, le réveil du lion", à savoir "Pokou, princesse ashanti" (2013), "Wê, l'histoire du masque mendiant" (2015) et "Dia Houphouët" (2017) ; ainsi que des séries animées, telles que "La Famille Tchatchallo", "Les Blagues 2D", "Conte-nous". Le long-métrage "Ekoua", qui se passe dans le futur, sera, quant à lui, bientôt finalisé. 

Investi par une ligne éditoriale claire et méritoire, et mu par une nette volonté éducative, le studio se montre soucieux de dépoussiérer le patrimoine ouest-africain auprès des jeunes générations de manière générale, en mettant en valeur des symboles typiques - telle la kora, ici. 

Matthias Turcaud