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EN ROUTE POUR LE MILLIARD, une injustice aberrante et un grand silence

Laterit Productions

"Que fait l’ONU au Congo si la guerre ne les concerne pas ?"

Documentariste issu d'un pays où le cinéma est très peu valorisé, et où les infrastructures pour le développer font cruellement défaut, Dieudo Hamadi fait des films depuis 2009.

Il dénonce avec courage des dysfonctionnements de son pays, et met en lumière des destins méconnus et incroyables.

Nous avons eu l'occasion d'échanger avec lui à l'occasion de son dernier film En route pour le milliard, qui parle de la tentative désespérée des membres de l'Association des victimes de la Guerre des Six Jours pour enfin obtenir des réparations financières après près de vingt ans de silence assourdissant et de promesses non tenues. Ils entreprennent un voyage dantesque de Kisangani à Kinshasa sur une barque, et dans des conditions très éreintantes. Dieudo Hamadi a tenu à voyager avec eux, et à sortir de l'oubli leur dignité impressionnante et leur ténacité à toutes épreuves.

Vous avez d’abord fait des études de médecine. Comment en êtes-vous arrivé à réaliser des films ?

Dieudo Hamadi : Un peu par hasard. Je n’étais pas préparé à faire du cinéma. En 2007, j’ai participé à un atelier, et j’ai développé un goût pour raconter des histoires à partir de là.

Pourquoi avoir choisi le documentaire, plutôt que la fiction ?

Dieudo Hamadi : Je voulais aller vite, faire des films tout de suite. Les documentaires semblaient plus accessibles.

Comment « En route pour le milliard » a-t-il vu le jour ?

Dieudo Hamadi : J’avais un peu oublié cette histoire, comme beaucoup d’autres gens. En 2007, je faisais un autre film, sur la police, et j’ai rencontré des membres de l’Association de la Guerre des Six Jours. Ces gens portaient les séquelles de cette guerre dans leur chair. J’ai profité de leur voyage à Kinshasa pour réaliser le film.

Cela a-t-il été difficile de les convaincre de participer à ce film ?

Dieudo Hamadi : La confiance n’est pas venue tout de suite. J’ai d’abord dû convaincre le Président de l’association. Je leur ai montré mes films, ils ont compris ce que je voulais faire.

A quel point le film était-il scénarisé ?

Dieudo Hamadi : C’était impossible de savoir comment le film allait se dérouler. J’ai seulement sauté sur l’occasion de leur voyage, je voulais faire ce voyage avec eux.

Le tournage n’a-t-il pas été trop fatigant ?

Dieudo Hamadi : J’ai rencontré pas mal de difficultés, mais ce sont des difficultés auxquelles je suis habitué. Mais les conditions de voyage étaient très difficiles, et ont demandé beaucoup d’efforts. On a failli avoir un accident.

EN ROUTE  POUR LE MILLIARD copyright Dieudo Hamadi

A Kinshasa, les membres de l’Association paraissent tout petits. Vous aviez la volonté de le traduire dans la mise en scène, par les cadres ?

Dieudo Hamadi : Il fallait suggérer le côté immense de la ville de Kinshasa. Je voulais les inscrire dans cet espace et souligner leur courage d’affronter tout ça.

Aviez-vous beaucoup d’heures de rushes ? Le montage a-t-il été laborieux ?

Dieudo Hamadi : Je n’avais pas beaucoup d’heures de rushes. Le début et la fin se sont imposés rapidement, mais on a eu du mal au montage à trouver la structure et le rythme du film.

On voit les membres faire du théâtre. A quel point cela est-il important pour eux ?

Dieudo Hamadi : Le théâtre est fondamental au sein de l’association, ça leur a été proposé pour les aider à être ensemble. J’ai décidé d’intégrer cette partie de leurs vies dans le film.

Le film a eu un grand succès dans différents festivals, comment a-t-il été accueilli en RDC ?

Dieudo Hamadi : La sélection à Cannes a créé de la fierté, notamment sur les réseaux sociaux. C’était la première fois qu’un film congolais était sélectionné à Cannes. Cela dit, en RDC, peu de gens l’ont vu.

Cette année, 500 000 dollars ont été reversés à l’association…

Dieudo Hamadi : Je ne sais pas à quel point c’est lié, mais le ministre a effectivement versé de l’argent. Cependant, la distribution ne s’est pas passée correctement, et une partie de l’argent a disparu.

Pensez-vous que le cinéma peut contribuer, même modestement, à améliorer la société ?

Dieudo Hamadi : Oui, il peut provoquer des réactions, il peut apporter beaucoup de choses. Malheureusement, les films sont très peu montrés en RDC, donc on ne peut pas espérer les intégrer dans la société.

Remerciements chaleureux à Dieudo Hamadi et Hilario Matias de Costa.

ZOOM

La réaction des membres de l’Association

Comment les membres de l’Association ont-ils réagi au film ?

Dieudo Hamadi : Les membres sont contents, même si c’est d’une manière un peu détachée, parce que chacun est ensuite retourné à sa vie.

Matthias Turcaud