Danse / algérie

Les nuits barbares ou les premiers matins du monde

Après le succès de Ce que le jour doit à la nuit, Les nuits barbares ou les premiers matins du monde, spectacle brut formé de somptueux tableaux dansés rend hommage aux barbares, inconnus ou oubliés, dont nous sommes les héritiers !

A l’origine Barbare signifiait étranger. Avec le temps, le terme a pris de nombreux sens, souvent négatifs.

En puisant de nouveau dans ses racines algériennes, le chorégraphe Hervé Koubi nous transmet sa vision de l’étranger, du barbare. Elle est esthétisante et englobante, à l’encontre d’une actualité stigmatisante et excluante.

Dans sa pièce Les nuits barbares ou les premiers matins du monde, l’autre semble n’être qu’un autre nous-même, pas si lointain.

Les douze danseurs sont autodidactes, formés à l’école de la rue. Ainsi, chacun a son identité propre et une impulsion, des gestes, indéniablement non académiques. Pourtant si précis, les gestes sont bruts. Ils mêlent hip-hop, capoeira et danse contemporaine.

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Le fil rouge de cette pièce est l’autre, certainement. L’inconnu, l’homme, sa masculinité, l’individu au sein du collectif, également.

Nous voyons des hommes traversant le temps. Leurs attributs, jupe unisexe puis jeans, masque - évoquant celui de lutteur de catch, ornementé de strass scintillant rehaussés de lames - figurant les cornes sur les casques de huns - bâtons de cirque tantôt prolongement du corps, croix chrétienne ou armes de guerrier.

Ce collectif d’homme interroge la notion de masculin. Le « barbare » symbole d’une hyper-masculinité dans l’imaginaire collectif, est revisité. L’homme est représenté par des danseurs aux attributs tantôt virils tantôt esthétiques - donc féminin. Le masque orné de strass, la jupe révèle des torses dénudés, finement ornementés.

Dans une des scènes du spectacle Les nuits barbares ou les premiers matins du monde, chacun des onze danseurs s’affairent avec des gestes d’une infinie douceur pour apprêter l’un d’entre eux. Ils le vêtent d’une ceinture étincelante dont les pendeloques sont des lames. Leurs gestes deviennent vifs, acrobatiques, brutaux. Ils s’adonnent à des danses guerrières – capoeira, lame ou bâton à la main. Puis, de nouveau, une grande sensualité émerge.

Chacun des douze danseurs effectue une chorégraphie commune au sein de laquelle leur individualité se perçoit comme une infime variation d’un même courant, d’une même histoire.

Nous voyons des hommes tous semblables, sans âge, sans terre. L’étranger est notre semblable.


Teaser du spectacle Les nuits barbares ou les premiers matins du monde

ZOOM

Hervé Koubi, un chorégraphe sans frontière et humaniste

D’origine algérienne, diplômé en 2002 du titre de Docteur en Pharmacie, Hervé Koubi mène en parallèle sa carrière de danseur-chorégraphe.

Il a travaillé avec Jean-Charles Gil, Jean-Christophe Paré, Emilio Calcagno et Barbara Sarreau (dans le cadre des affluents du Ballet Preljocaj) et Karine Saporta.

Depuis 2000, la Cie Hervé Koubi crée de nombreuses pièces. Ce que le jour doit à la nuit (2013), inspiré du roman éponyme de Yasmina Khadra, évoque son vécu personnel – longtemps il pense être d’origine bretonne - et lui vaut un succès d’estime de la critique et de la profession.

Eva Dréano