Albums /

Sahra Halgan Trio, la voix du Somaliland

Son album Faransiskiyo Somaliland est un cri du cœur joyeux et envoûtant.

La combattante et charismatique Sahra Halgan est une icône du Somaliland, pays situé au nord de la Somalie, ayant été terrassé dans les années 80 par une terrible guerre civile.

Sahra Halgan, la voix des sans voix, de ce pays méconnu et snobé par les puissances internationales, a pendant vingt ans séjourné en France.

Aujourd’hui, avec son nouvel album, Faransiskiyo Somaliland, elle met à l’honneur sa culture faite de chants traditionnels et porte haut et fort l’étendard de la liberté de son peuple.

Son chant poignant, venant de la gorge, accompagné de la sobre rythmique d’Aymeric Krol et de la lancinante guitare électrique de Maël Salètes, est un cri du cœur joyeux et envoûtant.

Sahra-Halgan-trio-en-concert


Interview avec Sahra Halgan, une femme engagée emblématique du Somaliland.

Vous êtes une icône de la liberté au Somaliland et aujourd’hui vous sortez un nouvel album, Faransiskiyo Somaliland. Que raconte-t-il ?

Sahra Halgan : Le nouvel album et son Dvd Return to Somaliland sont sortis en même temps.

Il parle d’une culture que personne ne connaît, celle de mon pays : le Somaliland. Il a été colonisé par les Anglais, les Italiens, les Français, l’Ethiopie et le Kenya.

Nous avons obtenu notre indépendance mais nous n’avions aucun droit. On n’était que des commerçants. Nous étions pourtant trop content de nous unir à nouveau.

Le dictateur Siad Barre (Ndlr : Après avoir accédé au pouvoir par le biais d'un coup d'état, il est le président de la République démocratique du Somalie de 1969 à 1991) a mis tous les intellectuels en prison. Certains le sont restés à vie.

Avec Somali National Mouvement (SNM), on voulait raconter cette histoire méconnue. En 1988, une partie d’entre nous s’est exilée en Ethiopie. En 1991, beaucoup sont revenus au pays. En parallèle, en Somalie, il y a eu une épuration ethnique. Ils ont refait leur gouvernement sans nous consulter. En 1991, on a donc repris notre indépendance en nous séparant de la Somalie.

Cela fait vingt cinq ans que notre pays existe et est en paix. Sans attentat, sans guerre. J’avais quitté mon pays pendant de nombreuses années et, avec cet album, je voulais dire, que je n’ai pas oublié le Somaliland. A chaque fois que je fais un concert, et que je parviens à faire découvrir mon pays, je gagne mon pari. Nous sommes quatre millions au Somaliland mais nous ne sommes pas reconnus par la communauté internationale. Je voulais ainsi dire : « On existe. On est toujours là même si vous nous avez oublié ! »

Puis, on avait décidé avec Aymeric et Maël de raconter l’histoire du Somaliland à travers un film. Ce qu’on a fait. J’ai également créé un Centre culturel au Somaliland.

sahra-Halgan


Vous êtes une personne très engagée. Est-ce comme cela que vous concevez le rôle d’une femme artiste ?

Sahra Halgan : Je cherche à travers mes chansons à soigner les gens car je sais qu’elles peuvent le faire. J’ai participé pendant la guerre en chantant pour le peuple. J’étais écoutée par les hommes politiques et par les militaires. Quand le peuple est derrière toi, il est facile de mettre en place des choses. Le nom du Centre que j’ai créé en français signifie « Garde la culture ».

Au Somaliland, nous avons une culture qui respecte la femme. Avant tout les femmes, sont des mamans. Les femmes ont des droits et des devoirs. Elles peuvent devenir politiciennes, professeures, ingénieures. Rien ne les empêche de le devenir. Sans les femmes, on aurait rien fait contre la dictature. Dans mon pays, quand les femmes travaillent, elles gardent leur argent pour elles. La femme joue un rôle très actif. Beaucoup ont essayé de créer un parti politique.

Pouvez-vous parler de votre rencontre avec Maël et Aymeric, vos deux acolytes sur cet album. Comment avez-vous travaillez ensemble ?

Sahra Halgan : Auparavant, j’ai travaillé avec un autre artiste africain. J’ai ensuite joué une fois avec Aymeric. Il était invité sur un de mes concerts. Je l’ai trouvé actif, joyeux. A partir de ce jour-là, on a travaillé ensemble. En travaillant avec lui, je sentais qu’il respectait ma culture. Qu’il y avait entre nous un beau mélange de cultures. Qu’avec la musique nous partagions quelque chose.

Avec Maël, cela s’est déroulé de la même manière, naturelle, dans un esprit d’échange. Cela fait maintenant des années que l’on travaille ensemble. Et nous avons fait un beau mélange de nos cultures.

Certains des morceaux sont des chants traditionnels, d’autres vos propres compositions. Quelle place trouve le chant dans la société somalilandaise ?

Sahra Halgan : La musique chez nous se transmet par voie orale. Aussi, on ne peut pas dire directement à quelqu’un : « Je t’aime » ou « Vas-t’en ! ». Nous le disons donc en chanson.

Un morceau de l’album dit, par exemple, que l’amour est une espèce de corde avec un nœud au milieu. Celui qui ne tire pas la corde de la bonne façon de son côté, n’est pas honnête envers l’autre. Egalement, lorsque l’on veut déclarer son amour à quelqu’un on lui chante un chant d’amour. Le chant est une façon d’échanger, de communiquer au Somaliland.


SAHRA HALGAN returns to SOMALILAND (Trailer, 18 MAY 2015)

 

ZOOM

Le portrait chinois de Sahra Halgan

Si vous étiez un(e) auteur(e) africain(e). Qui seriez-vous ?

Sahra Halgan : Je serais Mohamed Ibrahim Warsame (Ndlr : Hadrawi (ou Hadraawi), né Maxamed Ibraahim Warsame en 1943 à Burco (Somalie britannique), est un poète, dramaturge et parolier somalien.)

Si vous étiez un(e) réalisateur(trice) africain(e). Qui seriez-vous ?

Sahra Halgan : Je ne sais pas !

Si vous étiez un(e) musicien(ne) / chanteur/teuse africain(e). Qui seriez-vous ?

Sahra Halgan : Je serais Mamoud Ahmed ou Mohammed Wardi.

Si vous étiez un plat africain. Lequel seriez-vous ?

Sahra Halgan : Je serais des crêpes de chez moi. (Ndlr : Le cambabuur somalilandaise est une crêpe composée de safran, cumin, d’onion, d’ail et de piment.)

Si vous étiez une ville africaine. Laquelle seriez-vous ?

Sahra Halgan : Hargeisa. C’est là où je suis née. Là où j’ai grandi. Là où j’habite maintenant depuis trois ans. Mes enfants nés en France sont revenus également avec moi et habite aujourd’hui à Hargeisa.

Propos recueillis par Eva Dréano