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Un vent de renouveau souffle sur Yaniss Odua

Enfant prodige biberonné au dancehall et à Bob Marley, le martiniquais Yaniss Odua sort Nouvel donne, un opus engagé et marqué du sceau du renouveau.

Faire plaisir à son public, être porteur de ses propres messages, être plus instrumental, moins consensuel artistiquement, il est loin le temps où apeuré, Little Yannis alors âgé de 10 ans, foulait pour la première fois les planches d’une salle de concert de son île natale.

Ainsi intronisé dans le dancehall martiniquais, deux ans plus tard son cousin le Deejay Daddy Harry (Ndlr : du groupe Volcanic MC) lui offrait l’enregistrement de son premier album.

Depuis, reggae roots et dancehall sont ses seuls credos. Ou presque, car hip-hop, ska, rocksteady et nouveauté ultime, soul font maintenant partis de son répertoire.

Produit à Kingston, Jamaïque, par Clive Hunt, l’un des papes du reggae, l’album Nouvelle donne sort sous le signe du renouveau donc, et de la maturité nous souffle-t-on en backstage.

Interview de Yaniss Odua.

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Votre reggae est roots, dancehall et parfois rocksteady. Pouvez-vous nous parler de vos influences musicales dans ce dernier album ?

Yaniss Odua : J’ai beaucoup d’influences musicales et j’ai voulu les mettre en avant sur Nouvelle donne.

Le morceau Garder mon droit, par exemple, est très roots. MDMA est une version rafraichie de la new roots. J’ai aussi incorporé des rythmes ska rocksteady avec La maison ne fait plus crédit.

D’autres sont plus dancehall, plus urbain comme Bling bling ou Dans la rue. La Soul est une musique que j’affectionne particulièrement mais pour laquelle je ne me sens pas encore assez mûr. Il y a tout de même dans l’album le morceau Feeling qui est très Soul. Celui chanté en featuring avec Keny Arkana est très Hip-hop.

Dans l’album précédent, certaines personnes m’ont dit que je n’avais pas été assez dancehall. Pour faire plaisir à mon public, j’ai eu envie d’élargir mes influences musicales et d’aller vers d’autres styles.

Dans Nouvelle donne, vous parlez de la vie, des drogues qu’on amalgame, du bling bling qui impressionne... Votre album semble être celui de la maturité...

Yaniss Odua : J’ai une responsabilité en tant qu’artiste. Je dois faire attention au message que je transmets. L’attention que je mets dans mes textes est une façon de respecter la tradition du reggae. Bob Marley, pour ne citer que le plus connu, avait des textes engagés.

Cela fait quelques années que j’ai pris conscience de cela. De l’importance des messages que je véhicule. Depuis que j’ai dix-huit ans.

Et puis mes enfants écoute ma musique. D’autres enfants m’écoutent aussi. J’ai la chance d’être écouté par un grand nombre de personnes. Aussi d’avoir évolué un micro entre les mains. J’essaye donc d’écrire des textes qui puissent être utiles.

Clive Hunt, une référence en matière de reggae jamaïcain, a produit votre album. Que vous a apporté cette collaboration ?

Yaniss Odua : Clive Hunt est le réalisateur par excellence. Il a travaillé avec beaucoup de grands artistes. Il a une grande expérience dans ce domaine.

Quand il commence à travailler un morceau, on ne sait pas ce qu’il pense ni comment il va l’écouter et le concevoir. Lui a très rapidement une vision d’ensemble et sait où il va dès la première note du morceau. Souvent, il fait jouer seulement quelques secondes du morceau et a une idée de la façon dont il va l’arranger. Il est impressionnant.

Pouvez-vous choisir un morceau de votre nouvel album et nous en parler ?

Yaniss Odua : Garder mon doigt est un morceau roots. Dans la frappe de la batterie, il est urbain. J’ai composé la musique. Clive a retravaillé l’ensemble avec les musiciens.

Garder mon droit est l’un des plus musicaux de l’album. A sa fin, il y a un solo de guitare. J’avais envie de cette partie plus instrumentale. Dans ce morceau les musiciens ont pu jouer librement. C’était important pour moi de sortir un morceau dans lequel les musiciens pouvaient pleinement s’exprimer.

Qui sont les artistes qui vous accompagnent sur cet album ?

Yaniss Odua : Anu Brian Gold, un chanteur jamaïcain connu des aficionados du reggae. Il a été découvert par Denis Brown, le prince du reggae en Jamaïque. Il chantait à l’époque avec son frère dans le groupe le Brian and Tony Gold. Il a aussi chanté avec Shaggy et d’autres artistes connus dans le reggae.

Keny Arkana est une artiste hip-hop connue. Je voulais travailler avec elle depuis quelques années. J’apprécie son travail depuis longtemps. Je voulais l’inviter sur l’album précédent. Ça n’a pas pu se faire. Lorsqu’elle a dit que c’était possible sur celui-ci, on s’est empressé d’enregistrer le morceau. Elle a des textes conscients. Sa façon de faire du hip-hop devrait être plus répandue.

Les musiciens qui m’accompagnent ont joué sur tous les classiques reggae. Carmone Downie a joué avec Bob Marley. Ayon est le bassiste de C-Shart. Il joue aussi sur scène avec le groupe Alborosie. Tous forment ce qu’on appelle en reggae, un groupe taxi. C’est un groupe capable d’accompagner n’importe quel artiste, de s’approprier n’importe quel répertoire. Leur nom est Artikal Band.

ZOOM

Yaniss Odua à coeur ouvert

Quels sont les ingrédients indispensables pour concocter un bel album, selon vous ?

Yaniss Odua : Patience, écoute et rigueur.

Quelle est, pour vous, la journée parfaite ?

Yaniss Odua : J’aime être à la maison en famille et profiter avec elle d’une belle journée ensoleillée. Et si je peux la terminer par un show, je suis content.

Quels sont vos héros préférés dans la vie réelle ?

Yaniss Odua : Nelson Mandela et Tiken Jah Fakoly. Aylé Sélassié et Django, le guitariste légendaire. J’aime bien leurs personnalités.

Quels sont vos héros préférés dans la fiction ?

Yaniss Odua : Jack Sparrow dans le film Pirates des caraïbes. Il est un peu fou mais il est libre dans sa tête.

Qu’avez-vous prévu de faire demain (le jour suivant l’interview) ?

Yaniss Odua : Demain, c’est mon anniversaire. Je vais le fêter en famille.

Propos recueillis par Eva Dréano