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DJIGRI PARTERRE, artiste tchadien multi-cartes et hyperactif

Ecrivain, comédien, cinéaste, Djigri Parterre s’intéresse beaucoup à la transmission et au partage.

Le 12 juin 2018, Djigri Parterre a rendu un hommage à Sembène Ousmane à la maison du quartier de Chagoua à N'Djamena, suivi par une projection du film Xala.

L'occasion de se confier à notre correspondant sur place Matthias Turcaud.

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Djigri Parterre : Je m’appelle Calvin, mais artistiquement on m’appelle Djigri Parterre. Je suis écrivain, comédien, cinéaste.

Comment l’envie d’écrire vous est-elle venue ?

Djigri Parterre : Ca a commencé au collège. J’avais lu beaucoup d’auteurs africains, je me suis essayé à l’écriture et l’envie est restée. J’ai continué à écrire jusqu’à aujourd’hui. En 2016, j’ai publié un recueil chez Edilivres France.

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Pouvez-vous nous parler un peu de ce recueil ?

Djigri Parterre : Le titre est Au rythme de mes vers. Ca traite du quotidien du Tchadien, aborde les sujets de la souffrance du peuple tchadien et la vie de la jeunesse tchadienne un peu désorientée, parfois confuse, ne sachant quoi faire, une jeunesse qui s’oublie à tout moment.

Ce sont des vers fixes ou libres ?

Djigri Parterre : Ce sont des vers libres, n’étant pas écrivain de formation et autodidacte.

Pourquoi la poésie plutôt que la nouvelle, le roman, le théâtre ou le conte ?

Djigri Parterre : J’avais un recueil de nouvelles sous la main, un projet de roman également, mais je voulais le faire lire par des amis avant de l'envoyer à un éditeur. En même temps je me perfectionnais en poésie et la dernière lecture d’un docteur m’a rassuré.

C’est plus facile pour vous d’écrire de la poésie ?

Djigri Parterre : Oui, c’est plus facile. Je peux écrire pendant un trajet en bus. En moto j’enregistre ma poésie, ensuite je m’assois et je la retranscris.

Des auteurs africains vous ont-ils donné envie d’écrire ?

Djigri Parterre : Sembène Ousmane, que j’aime beaucoup. Je crois qu’il devient mon modèle, parce que de l’écriture je suis arrivé au cinéma. J’essaye un peu de faire ce qu’il a fait, dans son style du réalisme critique. Aimé Césaire aussi.

Votre expérience dans le cinéma ?

Djigri Parterre : Je me suis lancé dans le cinéma par la voie de la scénarisation. Mon premier film date de 2005, j’ai été coaché par un ami italien. En 2014, en co-production avec le groupe Electron, j’ai lancé une série télé de 30 épisodes, diffusée sur Electron TV. J’ai ensuite réalisé un long-métrage comique qui est en post-production.

Je suis également en train de travailler sur un court-métrage qui traite de l’abandon de l’agriculture. J’attends la saison des pluies pour commencer le tournage. Ca s’appellera La Vieille Roue et devrait durer 16 minutes. J’ai aussi joué dans plusieurs films et plusieurs séries diffusés sur TV5 et d’autres chaînes, Patate amère par exemple – qui dure 26 minutes.

Pouvez-vous nous parler un peu plus de votre série ?

Djigri Parterre : Elle s’appelle Cam Cam, les épisodes durent 6 minutes chacun. Ca se passe surtout à N’Djaména, mais j’ai également tourné sept épisodes au sud du pays. C’est du brut, du banal, du quotidien et c’est purement comique.

Vous avez aussi présenté sur scène un spectacle d’humour ?

Djigri Parterre : Oui, Les Mots de nos Maux, que j’ai joué à l’IFT et pendant d’autres soirées. J’aimerais jouer dans des festivals d’humour internationaux. J’ai créé un festival d’humour à Rods Prod. Nous voulons donner envie aux jeunes de faire de l’humour, nous les aidons à écrire et concevoir des pièces d’humour.

 

Quel conseil leur donnez-vous ?

Djigri Parterre : Il faut être ordonné quand on veut faire de l’humour. Il faut savoir d’abord écrire son spectacle. Ce n’est pas se lever sur un coup de tête et dire : « Je vais faire de l’humour ».

Il faut savoir écouter son entourage, lire son environnement, porter sur scène les réalités de son milieu. Il est nécessaire de travailler beaucoup, lire beaucoup, écouter la radio, regarder la télé…

Vous avez fait du théâtre aussi ?

Djigri Parterre : Oui, j’ai joué notamment dans Le Carrefour de Kossi Efoui, présenté au Festival sans frontières à Abidjan, dans une pièce de Koulsy-Lamko.

ZOOM

Etre artiste au Tchad

« Ceux qui restent encore sont des têtus et des rebelles. Les conditions ne sont pas aisées.

Quand on crée, c’est difficile d’être diffusé. On a plein de jeunes tchadiens talentueux dans tous les domaines, mais ça ne circule pas, donc ce n’est pas donné à n’importe qui d’être artiste au Tchad.

On parle chez nous de l’artiste comme d’un raté, c’est celui qui a échoué ailleurs et qui se trouve une place dans l’art par défaut.

Les mots dénaturent : en ngambaye ou en arabe on parle de « goussou » ou de « doukou », à savoir d’un « amuseur ». Ca rend la profession dérisoire. »

Propos recueillis par Matthias Turcaud