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FLORENT COUAO-ZOTTI, un inventeur de formes nouvelles

Éloge d'une figure majeure de la littérature africaine

Présent récemment à la dernière rentrée littéraire du Mali, l'inimitable et si précieux Florent Couao-Zotti méritait bien qu'on le salue ici.

Le polyvalent Florent Couao-Zotti est à la fois détenteur d'une maîtrise en lettres modernes, d'un diplôme en journalisme, comme d'un autre en entrepreneuriat culturel.

Brièvement professeur de français dans un collège à Agnibilékrou, puis rédacteur en chef des journaux satiriques béninois "Le Canard du Golf" et "Abito", et chroniqueur culturel dans plusieurs quotidiens dont "Tam-Tam Express" et "Le Bénin Nouveau", Florent Couao-Zotti s'est surtout attaché à construire une oeuvre littéraire d'une originalité plus que saillante.


Mû par une remarquable curiosité, il a exploré de nombreux genres - le roman, la nouvelle, le théâtre, mais aussi la bande-dessinée, la série télévisée ou le film vidéo, déhiérarchisant et décloisonnant les types de livres ou les formats, élargissant la notion même de "littérature", dans un grand élan de générosité.

Traduites dans plusieurs langues (japonais, italien, catalan, allemand, anglais), ses oeuvres ont été saluées par une rafale de récompenses - dont, notamment, le prix Tchicaya U Tams'i, le prix de la francophonie de la littérature de jeunesse, le prix de l'Excellence du Bénin, celui de la Meilleure plume de la décennie, ou encore le prix Ahmadou Kourouma.

Couao-Zotti a également remporté la Bourse du Ministère de la Coopération en 1998, la Bourse de Beaumarchais en 2001, ainsi que celle du Centre national du Livre en 2005.

"L'intérêt de cet auteur se trouve dans les plis et replis de son écriture, sa respiration singulière, son rythme tout en brisures et reprises. C'est un bonheur de lire Couao-Zotti. On y trouve des qualités d'écriture cinématographique. On ramasse à pleines mains des néologismes, des audaces grammaticales, des jeux de mots... il y a quelque chose de l'insolence dans son écriture", souligne à son propos l'écrivain djiboutien Abdourahman Waberi.

A la fois poétique et métaphysique, politique et comique, intime et collectif, inclassable, Couao-Zotti séduit immédiatement, et ce, déjà, rien que par ses titres : "Ce soleil où j'ai toujours soif" (1996), "La Sirène qui embrassait les étoiles" (2003), "Poulet-Bicyclette et Cie" (2008), ou "Si la cour du mouton est sale, ce n'est pas au cochon de le dire" (2010).

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"Western Tchoukoutou"

western-tchoukoutouAvec "Western Tchoukoutou", paru en 2018 chez Gallimard - dans la collection "Continents noirs" -, Couao-Zotti a cette fois tenu le pari de réinventer le western à la sauce... béninoise !

Se déroulant à Naitingou City, ce roman inattendu met en scène un vacher pugnace, un inspecteur aigri, un homme d'affaires désabusé et une femme vengeresse tenue pour morte dans des circonstances très étranges, Nafissatou Diallo - ou Kalamity Djane.

Un petit extrait, où on voit bien à quel point Couao-Zotti cisèle ses phrases en vrai orfèvre, et réhabilite un mot rare avec flair : "Son épouse, discrètement ou non, l'avait toujours surveillé comme du criquet sur la braise. Mais ici, contrairement à sa situation en Chine, le bonhomme disposait, dans le nord du département, de propriétés, c'est-à-dire d'endroits bien cachés où il pouvait chérir les filles, et se livrer, avec elles, à ses petites gredineries."

Matthias Turcaud