Photos / mali

NYBE PONZIO, rendre justice au patrimoine malien

Comme une promesse grisante

Ou "un devoir de mémoire".

Comment le goût de la photographie vous est-il venu ?

Nybé Ponzio : A vrai dire, c’est dû aux réseaux sociaux avec l’arrivé d’instagram. J'ai toujours voyagé, et lorsque je rentrais et que je racontais mes vacances à mes amis, les aventures que j’ai pu vivre, ils ne me croyaient pas toujours. C'est ainsi que, lorsque je suis allé en stage au Canada, j’ai acheté mon premier appareil photo, afin d’immortaliser les instants que j’ai pu passer.

Nybe-ponzio-photographeVotre série "Bamako Fitiri" (Bamako au crépuscule). Comment l'idée vous est-elle venue ? Combien de temps sa réalisation vous a-t-elle demandé ?

Nybé Ponzio : J’ai toujours été un amoureux des couchers de soleil, c’est en étant au bord du fleuve du Niger que cette idée m’est venue, en voyant le contrejour des pirogues, ainsi que les couleurs ocres émises par le ciel, me faisant penser à l’or et l’argile qui sont des symboles forts au Mali. De plus, c’est un petit clin d’oeil à la poussière laissée dans nos cols en fin de journée à Bamako. Sa réalisation m’a pris moins d’une semaine.

Préférez-vous prendre des photos de paysages, des portraits ? Avez-vous des thèmes ou des motifs favoris ?

Nybé Ponzio : Je n’ai pas de préférence entre photos de portraits ou paysages, tout va dépendre d'où je me situe, j’aime bien faire les deux si j’en ai la possibilité.

En ce qui concerne les motifs favoris bien sûr, ce qui m’inspire le plus c’est la culture, et j'ai une petite préférence pour tout ce qui touche à la culture africaine ou des afro-descendants. 

Préparez-vous à l'avance vos photos ou improvisez-vous plutôt sur place ?

Nybé Ponzio : Il y a un peu des deux, car je prévois à l’avance les lieux à visiter, je fais du repérage, mais j’improvise beaucoup sur place en explorant, car étant un adepte de street-photographie les meilleurs clichés sont, je crois, ceux tirés de scènes uniques instantanées.

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Essayez-vous de faire passer des messages par vos photos, ou laissez-vous au spectateur le soin de les interpréter ?

Nybé Ponzio : Mon rôle premier dans la photographie est instructif, il s'agit pour moi de transmettre notre folklore, autrement dit notre histoire, passée mais également notre futur donc il y a ce devoir de mémoire. Lorsque je photographie je prends le soin de marquer l’image avec la composition la plus communicative afin que le spectateur soit le mieux orienté dans son interprétation.

Quand vous prenez des portraits, avez-vous une technique particulière pour mettre vos "modèles" à l'aise ?

Nybé Ponzio : C'est après avoir été déjà à l’aise (établi un feeling) avec le sujet que je le photographie.

Acceptez-vous les aléas du réel quand vous prenez une photo, ou voulez-vous tout contrôler au maximum - le cadre et ses bordures, la composition, etc. ?

Nybé Ponzio : J’accepte tous les aléas du réel lorsque je prends une photo car ils épanouissent ma créativité, et ils me sont bénéfiques pour la post-production.

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Avez-vous besoin de prendre une photo vingt, trente, quarante fois avant d'être satisfait ? Ou est-ce en général plus rapide ? Cela dépend-t-il de la photo ?

Nybé Ponzio : Une fois que mon reflex est bien réglé, je prends uniquement quelques photos pour être satisfait, généralement pas plus de 5.

Quel appareil photographique utilisez-vous ?

Nybé Ponzio : Tout dépend des circonstances. En général, lorsque je voyage, j'utilise mon Canon 700D, qui est assez léger et ergonomique. Je peux être amené à utiliser un Canon 5D mark IV, un Olympus Mju II comme l’appareil photo de mon iPhone X, et je crée les mêmes compositions.

Vous avez également réalisé une série à Marrakech. Pouvez-vous nous en parler ?

Nybé Ponzio : Passionné d’architecture, « la ville rouge » pour ses bâtisses m’a beaucoup inspiré par son marché, sa culture métissée, ses sites historiques, mais aussi par son histoire contemporaine et ses complexes hôteliers.

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La photographie malienne est très riche. Avez-vous pu être influencé par un Malick Sidibé ou un Seydou Keita ?

Nybé Ponzio : Effectivement la photographie malienne est très riche, mais pour autant ma photographie ne s’inspire pas d’un Malick Sidibé ou d'un Seydou Keita, car mon style est très différent, je dirais plus que ce sont mes références.

Avez-vous d'autres projets en lien avec le Mali prochainement ?

Nybé Ponzio : Enormément, je suis originaire du Mali, je pense que personne mieux qu’un enfant ne peut parler de ses parents. Ma mission est donc de pouvoir enregistrer au maximum notre patrimoine afin d’en faire un livre photo.

Pouvez-vous nous expliquer en quelques mots ce qui vous plaît dans le fait de prendre des photos ?

Nybé Ponzio : Ce qui me plait le plus, c’est d’abord les liens qu’on crée avec le sujet, les relations humaines sont très importantes, c’est un partage. Chaque photo a son histoire, chacune d’entre elle est une expérience unique, socio-éducative d’ailleurs. La photo est non seulement la meilleure illustration que je peux donner à cette histoire mais également elle marque l’histoire dans le temps pour une durée infinie.

Quelle est, selon la vous, la place de la photo aujourd'hui, au milieu de toutes les images numériques, publicitaires, diverses et variées qui nous envahissent quotidiennement ?

Nybé Ponzio : Pour moi, aujourd’hui, la photo est omniprésente, elle représente le meilleur canal de communication, car elle constitue le moyen le plus performant pour faire passer un message. Sa place est la même que les autres canaux de communication, elle peut être utilisée de manière à transmettre de l’information « pauvre » , comme à faire passer des messages. Sa limite est la même que son atout majeur, c'est-à-dire son infinité dans le temps.

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Du pays de Mandé à la ville sainte de Djenné

Pouvez-vous également nous parler de votre album de photos "Du pays de Mandé à la ville sainte de Djenné". Comment cet album a-t-il vu le jour ? Fut-ce une expérience heureuse pour vous ?

Nybé Ponzio : Depuis enfant le domicile familial arborait déjà des tableaux comportant la grande mosquée de Djénné. J’ai toujours eu en projet de m’y rendre un jour.

Durant la biennale africaine de la photographie « Rencontres de Bamako » j’ai rencontré un photographe malien natif de Djénné Hamdia Traoré lors de son vernissage sur le crépissage de la mosquée de Djenné.

Après avoir eu plusieurs avertissement sur la situation dans le centre du Mali, on m’a fortement déconseillé, voir empêché de m’y rendre. C’est déterminé lors de mon dernier séjour à Bamako que j’ai recontacté Hamdia pour lui faire part de mon envie d’aller à Djenné et c’est naturellement qu’un court séjour de 3 jours s’est effectué.

Le peuple malien est reconnu pour être accueillant, lors de mon séjour les Djénnékés m’ont offert un accueil sans précédent, cette expérience fut unique. Cette album débute par le pays Mandé car même si Djénné est une ville millénaire il est d’autant plus interessant de commencer par l’histoire de l’empire du Mali qui émane de ces monts mandingues.

Matthias Turcaud